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  • Palestine : Pas de paix sans justicehttps://attac84.com/articles?open=info-saved&scroll-to=1498, pas de justice sans décolonisation   ICI
  • PalestinePour un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël.  ICI

  • Palestine :  Solidarité avec le peuple palestinien. Cessez-le feu immédiat à Gaza !   ICI

  • Rappeler les faits historiques pour mieux comprendre le présent, par Marc Brunet Pourquoi les croyants en l'Union Européenne sont-ils de moins en moins nombreux ?ICI

Palestine : il est urgent de s’engager contre la colonisation et l’apartheid

jeudi 4 mai 2023, par Attac France

Alors qu’était examinée ce jour une proposition de résolution condamnant « l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid » à l’Assemblée nationale, nous revenons sur les différents aspects de la répression systématique contre les Palestiniens qui s’intensifie depuis des années.

Le gouvernement israélien le plus à l’extrême-droite de l’histoire du pays est au pouvoir, avec des suprémacistes nationalistes religieux aux propos génocidaires. L’un d’eux, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a obtenu l’autorisation de former une garde nationale à ses ordres, autrement dit une milice. Il est vrai que la nature coloniale et discriminante de l’État israélien est en permanence réaffirmée en fait ou en droit, comme au niveau légal elle l’avait été avec l’adoption de la loi sur l’État-nation en 2018.Depuis le début 2023, 98 Palestiniens ont été tués, et 14 Israéliens (dont 13 colons en Cisjordanie dans les territoires palestiniens occupés). La colonisation ne cesse de voler davantage de terres aux Palestiniens en Cisjordanie. Certes, à Jérusalem, la résistance à la colonisation du quartier de Sheikh Jarrah a obtenu un sursis bienvenu, mais l’annexion continue cependant à Jérusalem Est et dans de nombreuses autres régions de Cisjordanie.La bande de Gaza, elle, est toujours sous blocus (israélien et égyptien) depuis 2007 et les 2 millions de Gazaouis se trouvent dans une prison à ciel ouvert, et souffrent d’un manque d’accès à toutes les denrées de bases (eau, électricité, fioul, médicaments, soins médicaux etc).Des centaines de Palestiniens sont victimes d’arrestations et détentions politiques et arbitraires (appelées « détentions administratives ») par l’armée israélienne. Des enfants et adolescents, une employée espagnole d’une organisation humanitaire et l’avocat franco-palestinien Salah Hammouriont également été les cibles de telles arrestations.D’hier à aujourd’hui, du massacre de Deir Yassin en 1948 et la destruction de 350 villages palestiniens, au pogrom de Huwara et l’expulsion des communautés de Masafer Yatta cette année, la continuité de la domination coloniale reste le point d’achoppement d’une paix juste et durable.Ces dernières années des organisations des droits humains israéliennes, internationales, y compris Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que des experts de l’ONU ont reconnu ce que les Palestiniens affirment depuis longtemps : les politiques d’Israël vont au-delà de l’occupation militaire et constituent un crime contre l’humanité d’apartheid, tel que défini en droit international.Malgré les appels répétés à l’action, 75 ans de déplacement forcé et dépossession du peuple Palestinien et la violence de la colonisation qui ne fait que s’intensifier, la France continue d’être au mieux passive, et au pire complice. Certes la France a une position de principe et, sur le papier, respectueuse du droit international, qui consiste à soutenir une solution à deux États sur la base des frontières de 1967, et à condamner la poursuite de la colonisation qui va à l’encontre des résolutions de l’ONU, ainsi que les violences contre les civils.Mais ces déclarations et éléments de langages sont vides de toute action et volonté politique de prendre ses responsabilités pour faire respecter ces principes, sans jamais soutenir les nouvelles initiatives de droit international en faveur du peuple palestinien. Ainsi, la France ne soutient pas la reconnaissance d’un État palestinien et ne reconnait pas la situation telle qu’elle est : une situation d’apartheid. La racine de la complaisance de l’État français, outre le sentiment de culpabilité pour sa responsabilité dans la destruction des juifs d’Europe, est peut-être à chercher dans son histoire de puissance coloniale.La France continue d’exporter de l’armement militaire à Israël, et de faire fleurir les projets de coopérations économiques et technologiques avec des entreprises israéliennes. La France s’abstientlors de votes clés dans les mécanismes de l’ONU pour mettre Israël face à ses responsabilités dans ses violations répétées du droit international.La France continue d’accueillir librement sur son sol des dirigeants du régime Israélien responsables de crimes de guerre et crime contre l’humanité. Le Ministère de l’intérieur se fait également l’écho des campagnes de diffamation contre l’avocat franco-Palestinien Salah Hammouri alors même que le ministère des affaires étrangères a toujours répété souhaiter sa libération et confirmé l’absence de preuves dans ses condamnations par une cour militaire israélienne.Aujourd’hui, plusieurs groupes français, comme Carrefour, ont des intérêts commerciaux dans les colonies israéliennes, ou financent la colonisation, comme BNP ou AXA. Les autorités françaises manquent à leur devoir de faire respecter le devoir de vigilance des entreprises. La France contourne le jugement rendu par la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné la France pour avoir criminalisé les appels à boycotter les produits israéliens présents sur le marché français.Certes, la France a condamné la désignation infondée, injuste et purement politique, de six organisations palestiniennes de défense des droits humains comme organisations terroristes par Israël en 2021, mais elle n’utilise aucun levier à sa disposition pour sanctionner la criminalisation par Israël de toutes les activités de la société civile Palestinienne.Une autre politique est possible. La mairie de Barcelone, en février, et la mairie de Liège en avril, ont annoncé qu’elle coupent leurs liens avec Israël et ses institutions, « jusqu’à ce que les autorités israéliennes mettent fin au système de violations des droits de l’homme des Palestiniens ». Des entreprises et fonds de pensions en Norvège ont désinvesti des entreprises israéliennes ; le parlement irlandais et le gouvernement luxembourgeois ont reconnu l’annexion de facto de la Cisjordanie.Nous soutenons donc l’appel lancé aux mouvements sociaux et syndicats à continuer ou recommencer à inclure le soutien à la Palestine dans les luttes sociales, en solidarité, pour la justice et contre toutes les formes d’oppression.Attac et de nombreuses autres organisations sont déjà signataires de l’appel au boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) : il est possible de faire vivre activement ces campagnes BDS, en demandant par exemple, de l’extérieur ou de l’intérieur au niveau syndical, aux entreprises concernées de désinvestir et se retirer d’Israël tant que l’apartheid persiste. On peut aussi créer des « zones libres d’apartheid » près de chez nous. En attendant que les autorités prennent également leurs responsabilités, pour commencer en cessant l’exportation d’armes et reconnaissant la situation d’apartheid.

Pas de paix sans justice, pas de justice sans décolonisation

lundi 16 octobre 2023, par Attac France

L’action militaire lancée par le Hamas le 7 octobre, soutenue par d’autres groupes armés palestiniens, a délibérément visé des civil·es, parmi d’autres objectifs militaires. Il s’agit donc de crimes de guerre et nous condamnons fermement ces attaques effroyables que rien ne justifie.

Nous condamnons aussi la réponse aveugle et brutale du gouvernement israélien, qui constitue également un crime de guerre : le siège et le bombardement continu de la population de Gaza, privée d’eau, d’électricité et de gaz, sans compter l’utilisation de bombes au phosphore, les assassinats de manifestant·es en Cisjordanie et la menace d’expulsion de plus d’un million d’habitant·es du nord de Gaza.

Nos pensées et notre solidarité vont aux victimes israéliennes et palestiniennes de cette terrible escalade. Celle-ci résulte de décennies d’oppression coloniale. Elle s’inscrit dans une guerre de longue durée menée contre le peuple palestinien pour l’expulsion de leurs territoires. 

Une guerre de plus ou moins grande intensité selon les périodes, commencée avant même la création de l’État d’Israël.Le gouvernement d’extrême-droite actuellement en place en Israël ne fait que radicaliser une longue politique de colonisation et d’occupation de la Palestine, qui a conduit à priver de leurs terres les Palestinien·nes, à les déshumaniser, comme l’attestent les récentes déclarations du ministre de la Défense Yoav Gallant, les traitant « d’animaux humains »

Cette situation est particulièrement marquée à Gaza depuis le début des années 2000. Sous blocus illégal condamné par le droit international depuis 17 ans, l’enclave constitue une prison à ciel ouvert dans laquelle survivent 2,1 millions de personnes, dont 1,4 million de personnes réfugiées, qui dépendent pour l’essentiel des aides internationales.
Alors que la plupart des grandes puissances veulent encore plus isoler les Palestinien·nes en manifestant leur soutien inconditionnel à Israël, la solution passe en premier lieu par la mise en œuvre des résolutions de l’ONU qui visent à défendre les droits des Palestinien·nes (évacuation des territoires occupés, droit au retour des réfugié·es, reconnaissance des droits politiques des Palestinien·nes…). Au-delà, il n’y aura pas de paix durable sans solution politique juste, c’est-à-dire sans mettre fin à la situation coloniale qui sévit en Palestine.Attachée à la paix depuis sa création, et condamnant sans réserve le racisme, l’antisémitisme, le colonialisme, les discriminations, et les différentes formes d’oppressions, 

Attac appelle à un cessez-le-feu immédiat et à une paix juste et durable et exprime sa plus vive inquiétude devant le risque d’embrasement au Moyen-Orient.Par ailleurs, nous nous opposons à toute exploitation en France du conflit israélo-palestinien pour dresser les un.es contre les autres, pour instrumentaliser la situation à des fins antisémites ou islamophobes. Aucune personne en raison de son origine ou religion supposée ne doit faire les frais de la situation en Palestine, et tout acte raciste doit être puni.
Enfin, le conflit israélo-palestinien ne peut constituer un nouveau prétexte pour le gouvernement d’attaquer les libertés publiques ni pour faire taire toute voix qui soutiendrait la cause palestinienne. 
Attac participera donc aux initiatives unitaires qui défendent une politique de paix juste et durable, dans le respect des droits des peuples , et des résolutions de l’ONU.

Déclaration du Conseil d’Administration d’Attac, 15 octobre 2023

Pour un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël

mardi 14 novembre 2023, par Collectif

Plus d’une centaine d’organisations à travers le monde, dont Attac France, ont signé cette tribune pour mettre fin à la complicité avec les crimes internationaux et demandent à cet effet un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël.

Les organisations soussignées (consulter la page où figurent les organisations) exigent que les États qui ont fourni et continuent de fournir des armes et d’autres formes d’assistance militaire à Israël respectent leurs obligations légales et agissent de manière résolue et urgente pour empêcher Israël de perpétrer de nouveaux crimes internationaux et d’autres violations graves du droit international.
Cela inclut leur obligation d’empêcher la commission de génocides.
Nous rappelons à ces États que les obligations contraignantes qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, du droit international relatif aux droits humains, du droit pénal international et d’autres lois internationales, y compris la Charte des Nations unies, exigent qu’ils mettent immédiatement un terme à ces transferts et qu’ils suspendent toutes les licences d’armes à destination d’Israël délivrées par leurs juridictions.Les États parties au traité sur le commerce des armes (TCA) ont des obligations contraignantes supplémentaires en vertu du traité, tout comme les États en vertu des instruments juridiques régionaux et nationaux pertinents sur le contrôle des armes.

Nous rappelons que la fourniture d’armes ou d’un soutien militaire à Israël peut rendre les États exportateurs complices de ses actions. Les États facilitent les crimes internationaux contre les Palestiniens par la fourniture d’armes et l’apport d’un soutien militaire.Depuis le lancement de sa vaste offensive militaire de représailles sur Gaza le 7 octobre 2023, l’armée israélienne a mené des attaques aveugles, disproportionnées et d’autres attaques illégales contre des infrastructures civiles, faisant de nombreuses victimes civiles, notamment en utilisant illégalement des armes explosives et du phosphore blanc.
À 14h, le 7 novembre 2023, l’offensive militaire israélienne avait fait 10328 morts parmi les Palestiniens, dont 67% d’enfants et de femmes, selon le ministère palestinien de la Santé. En outre, environ 2450 Palestiniens, dont 1350 enfants, ont été portés disparus et sont présumés morts ou piégés sous les décombres.

Comme « aucun endroit n’est sûr à Gaza », les civils palestiniens de l’enclave assiégée, dont un million d’enfants, sont pris au piège dans des conditions désastreuses sous des bombardements quasi constants, où ils n’ont pas accès à un abri sûr, à la nourriture, à l’eau, à l’électricité ou au carburant. « Le siège complet de Gaza, associé à des ordres d’évacuation irréalisables et à des transferts forcés de population, constitue une violation du droit humanitaire international et du droit pénal international », comme l’ont dénoncé les experts de l’ONU.

Le 27 octobre, l’Assemblée générale de l’ONU, dans une résolution adoptée lors de sa session extraordinaire d’urgence, a insisté sur « l’impératif, en vertu du droit international humanitaire, de veiller à ce que les civils ne soient pas privés des biens indispensables à leur survie ». Les déclarations des responsables israéliens ont mis l’accent sur les dégâts et non sur la précision, et ont appelé à « effacer la bande de Gaza de la surface de la terre ». En moins d’une semaine, Israël a déployé environ 6 000 bombes, soit presque autant que les États-Unis en Afghanistan en un an. Nous sommes particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’attaques contre des civils et des infrastructures civiles, notamment contre le personnel de santé, les journalistes, les hôpitaux, les écoles, les mosquées, les églises, les boulangeries, les infrastructures de télécommunications et les zones de passage sécurisé. Nombre de ces actes peuvent constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations graves du droit international, notamment l’incitation à commettre des actes de génocide.

Les experts des droits humains de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme le 19 octobre 2023 : « Israël mène une campagne permanente qui aboutit à des crimes contre l’humanité à Gaza. Au vu des déclarations des dirigeants politiques israéliens et de leurs alliés, accompagnées d’une action militaire à Gaza et d’une escalade des arrestations et des meurtres en Cisjordanie, il existe également un risque de génocide contre le peuple palestinien », soulignant qu’« il n’y a pas de justifications ou d’exceptions pour de tels crimes. Nous sommes consternés par l’inaction de la communauté internationale face à une guerre belliqueuse ». 
En plus de bombarder Gaza, Israël a intensifié sa répression et ses punitions collectives contre le peuple palestinien des deux côtés de la Ligne verte. Entre le 7 octobre et le 7 novembre 2023 à midi, en Cisjordanie, incluant Jérusalem Est, les forces d’occupation israéliennes et les colons ont tué 158 Palestiniens, dont 45 enfants.
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En outre, la commission de la sécurité nationale de la Knesset a poursuivi « le plan plus large du gouvernement visant à armer les civils juifs israéliens », en assouplissant le contrôle des armes à feu en Israël et en permettant à 400 000 Israéliens juifs supplémentaires d’obtenir un permis de port d’armes.

Poursuite des transferts d’armes à Israël en dépit des preuves de crimes et d’autres violations du droit international
Au milieu de ces attaques, et malgré les graves violations et crimes contre la population palestinienne qui ont été rapportés et bien documentés au fil des ans, la fourniture d’armes et de soutien militaire à Israël par les États-Unis - le plus grand fournisseur d’aide militaire à Israël depuis des décennies - et par le Canada, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas - des États parties au traité sur le commerce des armes -, s’est poursuivie. Lors de sa session extraordinaire de 2021 consacrée à la grave situation des droits humains dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, le Conseil des droits humains des Nations unies a mis l’accent sur le fait que tous les États doivent s’abstenir de transférer des armes lorsqu’ils estiment qu’il existe un risque manifeste que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves ou des abus du droit international des droits humains ou des violations graves du droit international humanitaire.

Nos organisations sont alarmées par les informations selon lesquelles certains États, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont décidé ces derniers jours de fournir des équipements militaires supplémentaires ou d’accélérer la fourniture d’équipements militaires à Israël, en dépit des nombreuses preuves de crimes de guerre commis à Gaza.




Obligations juridiques internationales relatives aux transferts d’armes

Parmi les obligations juridiques internationales applicables :

Le droit international coutumier

En vertu du droit international coutumier, largement codifié dans le projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite de 2001 de la Commission du droit international, un État qui aide ou assiste un autre État dans la commission d’un fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable de ce fait si : (a) il le fait en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite ; et (b) le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État (article 16).Cela s’applique aux transferts d’armes, ainsi qu’à d’autres formes de soutien qui contribuent de manière significative au(x) fait(s) illicite(s), comme le soutien logistique, technique ou financier, le renseignement ou la fourniture d’autres équipements.

Droit international humanitaire

L’article 1er commun aux quatre conventions de Genève de 1949 impose aux États l’obligation permanente de « respecter et faire respecter » les protections prévues par les conventions en toutes circonstances. Dans son commentaire de l’article 1 commun qui fait autorité, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) explique que l’obligation de l’article 1 exige, entre autres, que les États « s’abstiennent de transférer des armes si l’on peut s’attendre, en se fondant sur des faits ou sur la connaissance d’habitudes passées, à ce que les armes soient utilisées pour violer les Conventions ».

Traité sur le commerce des armes (TCA)

L’objectif explicite du traité sur le commerce des armes était de prévenir et de réduire les souffrances humaines en établissant des normes internationales communes pour le transfert des armes conventionnelles. Son préambule fait référence aux obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire et de respecter et de faire respecter les droits humains.En vertu de l’article 6, paragraphe 3, du traité sur le commerce des armes, les États parties s’engagent à n’autoriser aucun transfert d’armes classiques s’ils savent, au moment de l’autorisation, que les armes ou les articles seraient utilisés pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des infractions graves aux conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des biens de caractère civil ou des personnes civiles protégées en tant que telles, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par les accords internationaux auxquels ils sont parties.En vertu des articles 7 et 11, les États parties s’engagent à ne pas autoriser l’exportation d’armes conventionnelles, de munitions, de pièces et de composants qui, entre autres, porteraient atteinte à la paix et à la sécurité ou seraient utilisés pour commettre des violations graves du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.

Position commune de l’UE sur les exportations d’armes 2008/944/PESC

Les États membres de l’Union européenne (UE) sont également liés par les termes de la position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 en tant que règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires, et sont notamment tenus de « refuser une licence d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires à exporter soient utilisés pour commettre des violations graves du droit international humanitaire ».

Principes de l’OSCE régissant les transferts d’armes conventionnelles

Les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont les États-Unis, sont tenus d’adhérer aux principes de l’OSCE régissant les transferts d’armes conventionnelles (principes de l’OSCE) dans leurs décisions d’exportation d’armes. Le principe 4 impose aux États de « promouvoir et, au moyen d’un mécanisme national de contrôle efficace, de faire preuve de la retenue voulue dans le transfert d’armes conventionnelles et de la technologie connexe ». Afin de donner effet à ce principe, les États « tiendront compte » d’un certain nombre de facteurs lors de l’examen de toute proposition d’exportation d’armes. Ils sont ensuite tenus d’éviter tout transfert qui enfreint l’un ou l’autre ou l’ensemble des critères de l’OSCE contenus dans les principes de l’OSCE.Il est clair que la poursuite des exportations d’armes et de l’aide militaire à Israël constitue une violation de toutes ces obligations. Au fil des ans, le soutien militaire non contrôlé et, dans de nombreux cas, sans doute internationalement illégal, apporté à Israël a également permis, facilité et maintenu le régime de colonisation et d’apartheid qu’Israël impose depuis des décennies au peuple palestinien dans son ensemble.L’absence d’action peut également rendre les États parties complices d’actes internationalement illicites en les aidant ou en les encourageant à commettre des crimes internationaux et peut engager la responsabilité pénale individuelle des hauts fonctionnaires de ces États pour avoir aidé et encouragé la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en vertu de l’article 25, paragraphe 3, point c), du statut de Rome de la Cour pénale internationale. Compte tenu des preuves accablantes, les États qui fournissent des armes et d’autres formes d’assistance militaire à Israël ne peuvent pas prétendre qu’ils ne sont pas au courant de la myriade de violations graves du droit international qui sont commises, et l’ont été, depuis des décennies. La fourniture d’équipements militaires et d’un soutien militaire à Israël en sachant qu’ils sont susceptibles d’être utilisés pour commettre de graves violations du droit international, y compris des crimes internationaux, peut donner lieu à des accusations de complicité.Alors qu’Israël continue d’importer des armes, avec plus de 4 milliards d’USD par an en provenance des seuls États-Unis et de l’Allemagne, il s’est également imposé comme un leader dans l’industrie de la cybersécurité et de la surveillance et figure parmi les plus grands exportateurs d’armes au monde, se classant au dixième rang en 2022. Ces technologies sont souvent présentées comme ayant été testées avec succès sur la population palestinienne dans le contexte de la longue occupation israélienne au cours de laquelle elles ont souvent été développées. Nos organisations demandent donc aux États de mettre fin et de dénoncer les importations d’armes et de technologies de surveillance en provenance d’Israël.

Exigences de mesures immédiates de la part des États :

Imposer un embargo sur les armes à Israël dans les deux sens est une obligation à la fois juridique et morale. Dans l’attente d’un tel embargo, tous les États doivent immédiatement suspendre tous les transferts d’articles militaires et de services et d’assistance associés vers Israël. Les États parties au traité sur le commerce des armes doivent immédiatement mettre fin aux transferts actuels et interdire les futurs envois à Israël d’armes conventionnelles, de munitions, de pièces et de composants visés à l’article 2, paragraphe 1, et aux articles 3 et 4 du traité sur le commerce des armes.
Outre l’imposition d’un embargo bilatéral sur les armes, les États doivent également s’abstenir de conclure tout accord de coopération militaire, y compris en matière de formation militaire et de coopération opérationnelle en matière de renseignement, qui pourrait les impliquer dans des crimes internationaux et d’autres violations graves du droit international.

Nos organisations appellent donc à :

  • 1) Tous les États à demander un cessez-le-feu immédiat, l’accès inconditionnel et sans entrave du carburant et de l’aide humanitaire, y compris l’eau, la nourriture et les fournitures médicales, dans la bande de Gaza afin d’atténuer la terrible crise humanitaire, et la levée immédiate du blocus et du verrouillage illégaux qui durent depuis 16 ans ;
  • 2) Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas et les autres États qui autorisent la poursuite des transferts d’armes et d’autres formes de soutien militaire à Israël doivent :
    - mettre immédiatement fin à ces transferts conformément à leurs obligations en matière de droit international ;
    - cesser immédiatement la fourniture de tout matériel, équipement ou autre marchandise susceptible d’être utilisé pour commettre des violations graves du droit international, y compris des crimes internationaux ;
  • 3) Les États qui importent des armes et des technologies de surveillance d’Israël doivent immédiatement mettre fin toutes ces importations ;
  • 4) Les États de transit doivent refuser que leurs ports et aéroports soient utilisés pour le transfert d’armes vers Israël ;
  • 5) Tous les États parties au TCA à coopérer au sein des organisations internationales et régionales compétentes pour imposer un embargo bilatéral sur les transferts d’articles militaires à destination et en provenance d’Israël, y compris en soutenant l’organisation rapide d’une réunion extraordinaire de la Conférence des États parties, comme le prévoit l’article 17.5 du TCA

Solidarité avec le peuple palestinien. Cessez-le feu immédiat à Gaza !

Communiqué Attac France, 15/11/2023

Après les meurtres de masse commis par le Hamas le 7 octobre, l’armée israélienne a déclenché sur la bande de Gaza un déchainement de frappes aériennes et d’attaques au sol, créant terreur et désolation dans la population Gazaouie.



Gaza était une prison, ils veulent en faire un cimetière

Plus de 11 000 personnes sont déjà mortes. Une partie de la population du nord de la bande de Gaza a fui vers le sud, ne laissant que des ruines derrière elle. La plupart des observateurs signalent n’avoir jamais vu un tel niveau de violences malgré la multiplication des attaques militaires contre les Palestinien·nes depuis le début de la colonisation.De très nombreux organismes internationaux (observateurs de l’ONU, Croix Rouge, Croissant Rouge, Organisation Mondiale de la Santé, Médecins Sans Frontières…) alertent depuis des jours et des jours sur la situation à Gaza, sur les milliers de mort·es parmi les enfants. En vain.Soutenu par la plupart des puissances occidentales, États-Unis en tête, Israël poursuit la punition collective, la sale guerre coloniale, qui franchit désormais un nouveau seuil, et conduit à vider Gaza de ses habitant·es, pour celles et ceux qui peuvent rester en vie. Près de 1,7 millions de personnes ont déjà dû quitter leur logement de force. Une seconde nakba est en cours.

Nos gouvernements sont complices

Si l’administration états-unienne multiplie ses marques de soutien au gouvernement de Benjamin Netanyahou et avait marqué son accord pour une expulsion des Gazaoui·es vers l’Egypte, les États-Unis ne sont pas la seule puissance à soutenir quoi qu’il en coûte le gouvernement israélien.La France, dès le début de l’opération militaire israélienne a apporté également son plus grand soutien. Malgré les milliers de mort·es, cette position n’a pas varié. Dans un entretien récent avec Netanyahou, Emmanuel Macron a bien précisé qu’il n’« accusait pas Israël de porter atteinte intentionnellement aux civils » de Gaza et « qu’il soutenait sans équivoque le droit et le devoir d’Israël à se défendre. » Il « a exprimé son soutien à la guerre menée par Israël contre le Hamas ».Alors que depuis des décennies, les gouvernements israéliens piétinent le droit international, ce soutien inconditionnel aux crimes de guerre est une honte.Cette position n’est pas nouvelle et ne se cantonne pas aux États-Unis et à la France. La plupart des gouvernements occidentaux soutiennent Israël depuis longtemps, notamment via les ventes d’armes : États-Unis (qui a apporté une aide supplémentaire de 13,4 milliards d’euros d’armements après le 7 octobre), Allemagne et Italie comptent parmi les principaux fournisseurs, mais aussi le Canada (14,4 millions euros) et la France (15,3 millions d’euros) en 2022 selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).Cela doit cesser, c’est le message que porte la campagne menée par des organisations de la société civile, dont Attac France, pour un embargo immédiat sur les armes à destination d’Israël.

Solidarité, résistances, et droit international

La violence ne se cantonne pas à Gaza. En Cisjordanie occupée, les opérations militaires se multiplient, de mêmes que celles des colons, faisant des dizaines de mort·es palestinien·nes, et risquant d’embraser un peu plus la région. Mais le peuple palestinien ne cède pas face à la guerre coloniale, et il a besoin de la solidarité internationale.Alors que les expressions de solidarité avec le peuple palestinien ont été largement réprimées en France et dans d’autres pays, nous avons réussi à imposer le droit de manifester pour dénoncer l’agression israélienne. Cette solidarité doit désormais s’amplifier, se développer sur l’ensemble du territoire, se diversifier.Grandes manifestations et petites actions, meetings, réunions d’information… multiplions les initiatives en solidarité avec les Palestinien·nes.

Marches de solidarité avec le peuple palestinien et contre la guerre partout en France ce week-end.

Le 18 novembre, le collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, le collectif Urgence Palestine, ainsi que d’autres mouvements de solidarité appellent à des manifestations partout en FranceCes initiatives sont appuyées par la déclaration de l’intersyndicale FSU, CGT et Solidaires. Ces syndicats appellent à ce que le droit international soit respecté et que notre gouvernement fasse pression sur Israël pour que cesse le massacre.

Attac France et ses militant·es seront à nouveau mobilisé·es le 18 novembre et dans les semaines à venir, pour :
  • Un cessez-le-feu immédiat
  • L’arrêt des bombardements et des déplacements forcés de la population
  • La protection du peuple Palestinien à Gaza et en Cisjordanie occupée
  • La levée immédiate du blocus à Gaza et la mise en place de corridors humanitaires
  • Le retrait de l’armée israélienne de Gaza
  • Une paix juste et durable entre Israélien·nes et Palestinien·nes qui reconnaisse les droits de ces dernier·es
  • Le respect des libertés fondamentales telles que les libertés d’expression et de manifestation régulièrement bafouées par le gouvernement

Rappeler les faits historiques pour mieux comprendre le présent, par Marc Brunet.
Pourquoi les croyants en l'Union Européenne sont-ils de moins en moins nombreux ?


  Pourquoi cette foi se tarit ?       L'Union Européenne (UE) est une croyance. Comme toute croyance, elle est un ensemble de mythes, de récits, rassemblés dans un dogme, avec des Saints, pour l'UE les fameux « pères fondateurs », et puis une multitude de clercs qui ont eut, pendant des décennies, pignon sur rue et qui perdent aujourd'hui leur pouvoir. Ces clercs, on peut  les qualifier d' « Européistes », c'est à dire de propagandistes  de la foi unioniste, les « papistes ». Nom donné par les protestants aux propagandistes de le foi catholique  au XVIe siècle.
      Ces « papistes » du XXe -XXI eme siècles, propagateurs de l'idée que l'UE serait, malgré tout, une bonne idée, continuent à s'exprimer. Les médias dominants ne  cessent de leur donner la parole, surtout dans cette période électorale. Cependant presque personne, les citoyens, ceux qui ne connaissant pas réellement le passé et le fonctionnement de l'UE, n’écoute la bonne parole, se rendant  compte qu'on leur raconte des histoires à dormir debout, et aussi les croyants déçus, de plus en plus nombreux et paniqués à la fin possible de l'UE. Tous les citoyens se posent des questions.        Ces gens, d'origines diverses n'écoutent plus les clercs de la religion européenne qui parlent, beaucoup (trop peut-être ? Voir Bernard Henri Lévy). Mais de moins en moins de citoyens les écoutent  réellement. Les clercs continuent à prêcher, mais devant des assemblées, des Eglises, très clairsemées.         Comme l'Eglise catholique a connu une période de déchristianisation du continent européen, l'Eglise « Union Européenne » (ou U.E.) se vide à son tour. Même le clergé chargé de faire vivre la foi de l'UE n'y croît plus, ou plutôt ce clergé parle de manière désordonnée.         Certains au nom d'un antibolchévisme d'avant 1991  qui s'est transformé en russophobie maladive continuent à voir dans la construction européenne une croisade contre l'Est du continent européen.
         D'autres au nom  d'un régionalisme plus ou moins réaliste en appellent à l'Europe des régions (même la Ligue du Nord en Italie). Du coup la Ligue sème le trouble : où est-elle réellement par rapport à la foi européenne ?.         D'autres au nom d'une « philosophie post-nationale » (Habermas), rêvent d'une fédération de citoyens dégagés de leur nation. D'autres plus réalistes, de ce que peut réellement être l'UE , pensent, comme BusinessEurope / Unice, le patronat européen, aux affaires. Ce sont eux, qui  au moins depuis 1986 (Traité de l'Acte unique) ont le pouvoir (voir plus loin).          D'autres encore, comme des syndicats membres de la CES , Confédération Européenne des Syndicats, rêvent d'un dialogue social européen, qui n'existera jamais. D'autres propagandistes, qui ont leur propre idée de ce que pourrait être l'UE pensent autre chose, bref la cacophonie règne, les croisés de l'idée d'UE partent donc en ordre dispersé. Même les croyants les plus fidèles en perdent leur latin, et doutent du catéchisme appris  pendant des décennies, et finalement lâchent prise, c'est ainsi qu'une religion meurt.         Cette dispersion est non seulement visible mais elle était inhérente au projet de l'UE tel qu'il s'est construit. Les « pères fondateurs », malgré  ce que l'on répète partout, n'ont pas construit un projet politique cohérent, ils ont voulu construire un espace économique verrouillé par des considérations juridiques qui ont produit  une technocratie européenne. En tout cas, Jean Monnet et les autres fondateurs, voulaient, en termes politique, faire beaucoup de choses sauf construire un espace politique, tel que nous l'entendons classiquement. On montrera plus loin qu'ils n'ont surtout pas voulu construire de projet politique. Cette cacophonie européiste d'aujourd'hui n'est que le symptôme d'un projet de construction européenne qui ne repose que sur du vent. Aujourd'hui on l'entend pénétrer l'édifice.
      Mais essayons d'en étudier les causes, plus que d'en mesurer les effets.       Fondamentalement je décrirai quatre  causes, qui sont des aspects fondamentaux de la faiblesse de la construction. Et ceci depuis l'origine du projet, qui se nomme aujourd'hui UE.   1. L'UE n'est pas un espace politique car les fondateurs, et ceux qui ont suivi, n'en voulaient pas.          Aujourd'hui on entend souvent des européistes, en recherche d'arguments, avancer que nous avons besoin de l'UE pour la puissance qu'elle est censée procurer.
      Comme si la grande puissance était la somme des 27 petites ou moyennes puissances que sont  les 27 Etats de l'UE.
       Il ne faut pas vouloir comprendre la notion de puissance pour croire une telle chose. Si cet argument est un des derniers de la croyance européenne, il est surprenant de l'entendre aujourd'hui alors que la construction européenne s'est faite contre la notion de puissance, après les deux guerres mondiales.        Après la Première Guerre mondiale, l'horreur de la guerre a provoqué une telle désillusion que ceux qui sont considérés comme les premiers Européens du XX eme siècle ont rejeté l'idée d'Europe-puissance, simplement au nom de la peur de voir la disparition de ce que fut l'esprit européen avant la guerre. De nombreux écrivains ont écrit sur cette hantise de la disparition, comme le fit Paul Valéry, dans de nombreuses lettres. La première qu'il écrivit pour la revue « l'Athenaeum », est restée célèbre. Elle est révélatrice de cette peur  de la disparition si  importante à l'époque :       « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous sentons qu'une civilisation à la même fragilité qu'une vie. Tout n'est pas perdu, mais tout s'est senti périr. Un frisson extraordinaire a couru la moelle de l'Europe. Elle a senti par tous ses noyaux pensants qu'elle ne se connaissait plus, qu'elle cessait de se ressembler, qu'elle allait perdre conscience ».       Cette lettre fut écrite en 1919, elle n'est pas un plaidoyer pour l'Europe-puissance. Pourtant les Européistes, qui aujourd'hui revendiquent l'Europe-puissance, se revendiquent aussi de l'héritage de Paul Valéry. La construction européenne après le Première Guerre mondiale s'est donc pensée sur le doute d'elle-même. Le doute n'est pas le fort des Européistes d'aujourd'hui, qui au passage s'approprient les discours européens  de Paul Valéry ou d'autres penseurs de l'idée européenne. Cette période d'après guerre fut aussi le moment où les entrepreneurs ont commencé à jouer une petite musique européenne, qu'ils ne vont plus cesser de jouer jusqu'à nos jours. En gros ils vont prétendre que les politiques ont conduit l'Europe dans le mur, mais que si eux avaient eu des responsabilités politiques, ils auraient évité aux populations européennes cette saignée et ce traumatisme. Quand on connaît le comportement de ces entrepreneurs pendant le Première Guerre mondiale, il ne fallait pas manquer de culot pour avancer cette prétention.         Le milieu des affaires recommencera à jouer la même petite musique pendant et après la Deuxième Guerre mondiale.
        Pendant la Guerre, alors que les Nazis faisaient de grands discours sur l'unité européenne qu'ils prétendaient construire pour mille ans, les entrepreneurs européens reprenaient ce discours, en mode affairiste. Le président de la Société Générale affirmait donc en 1941 : « On est dans une situation où l'Europe unie sous l'influence allemande pourra bénéficier d'une unité monétaire ».
       La même Société Générale sera, après guerre Européiste, membre de Business-Europe-Unice, tout comme l'ensemble des entreprises du Medef, et plus pro-européenne que jamais.
       La stratégie des grandes entreprises européennes n'a donc pas changé d’une guerre à l’autre :
       Toujours être proches du pouvoir en place (même nazi), et donner des leçons de morale après les guerres.         Par contre le contexte historique n'était pas le même en 1919 et en 1945. En 1945 et pendant la guerre, les Etats-Unis ont confirmé leur place de première puissance mondiale, qui était déjà la leur en 1919. Ils veulent, en 1944 façonner le monde comme ils l'entendent. Face à eux, l'URSS n'entend pas laisser faire les USA.
       L'Europe est l'un des espaces mondiaux, de cette rivalité américano-soviétique.
      Pour les USA, comme pour l'URSS, l'Europe occidentale, est clairement dans la sphère d'influence américaine. De même en 1945, l'Europe orientale est clairement dans le sphère d'influence soviétique.
        Reste l'Allemagne. Il avait été décidé par les trois grands, à Yalta, une répartition en 4 zones d'occupation. Les USA ne respecteront pas cet accord avec l'URSS, ce qui donnera naissance, en 1949, à deux Etats allemands : la RFA, République Fédérale Allemande à l'Ouest, sous tutelle américaine, et la RDA, République Démocratique Allemande, sous tutelle soviétique. Cette nouvelle donne de répartition de la puissance mondiale est comprise par les « pères fondateurs », qui d'abord laisseront les USA construire les premières réalisations européennes comme la répartition de l’argent américain du Plan Marshall), puis par l'intermédiaire des « pères fondateurs » téléguideront les premières réalisations proprement européennes : CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), et la Communauté Européenne de Défense : CED.          Les premiers Européistes étaient atlantistes (tournés vers les USA). C’est ce qui empêcha la naissance de l'idée de l'Europe-puissance.
         Un seul dirigeant européen, de Gaulle a voulu, par les plans Fouchet, faire exister l’Europe-puissance. Au début des années 1960, de Gaulle a été mis en minorité par ses partenaires européens dans le cadre de la CEE, (Communauté Economique Européenne ) pourtant réduite à 6 Etats : Allemagne de l’ouest (RFA), Belgique, France, Italie, Pays bas.  Les atlantistes ont vaincu de Gaulle, qui s'est alors rapproché d'Adenauer (RFA), le seul homme politique européen qui avait accepté les propositions gaullistes. Par la suite de Gaulle se résoudra au seul rapprochement France / RFA, mais l'Europe occidentale restera sous tutelle américaine.
       Les traces de cette dépendance sont multiples, même si les Européistes essayent de les faire disparaître. Une de ces traces, pas des moindres, est dans le Traité de Lisbonne, 2007. Il s'agit de l'un des douze protocoles, le n°4 .
Il rappelle la règle en ce qui concerne la PESC (Politique Etrangère et de Sécurité Commune) : « les hautes parties contractantes, rappelant que la politique de sécurité et de défense commune de l'Union respecte les obligations découlant du Traité se l'Atlantique Nord (OTAN) pour les Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN, qui reste le fondement de la défense collective de ses membres ».            Aujourd'hui 22 des 28 pays membres de l'UE sont membres de l'OTAN. L'UE accepte donc clairement de continuer à se placer sous la tutelle américaine. La PESC doit être compatible avec l'OTAN, autant dire avec la politique étrangère américaine. Les Européistes oublient de nous parler de ce détail. Mais ensuite, ils sont les premiers à nous parler d'Europe-puissance. Mais comment y arriver avec une Défense (PESC) sous  dépendance de l'OTAN, et donc sous dépendance des USA ?
           Etre indépendant, c'est d'abord avoir une politique étrangère libre de toute ingérence. La CEE puis l'UE  ne l'ont jamais eu et n'ont jamais cherché à l'avoir.  L'OTAN , même après 1991, est restée « le fondement de la défense de ses membre ». Les mêmes qui acceptent cette dépendance américaine, nous parlent d'Europe-puissance. Comment prendre leurs propos au sérieux ?   2. L'UE a négligé et surtout pas voulu mettre en place un imaginaire politique, capable de créer  une nouvelle communauté de citoyens.          Une autre fable a été racontée pendant des années. Aujourd'hui pas grand monde y croit, et paradoxalement les derniers croyants sont des personnes qui se disent de gauche. Sans doute car cette fable peut laisser espérer à un certain internationalisme, à savoir la thèse post-nationale qui  considère qu'avec la décomposition des nations en Europe nous aurions l'apparition puis l'affirmation  d'un peuple européen, grâce à l'UE. Il faut vraiment croire aux miracles pour croire qu'une telle fable soit réalisable, et pourtant il y a encore des croyants, certes de moins en moins nombreux, mais cette croyance est régulièrement entendue.
       Pourquoi un tel déni de la réalité ?
       Pourquoi cette fable persiste-t-elle ?        Beaucoup d'éléments de réponse peuvent être avancés, mais je me limiterai à évoquer trois pistes  de réflexion sur ce point. -Le double langage européiste depuis les « pères- fondateurs ». Parmi ces « pères », le théoricien était Jean Monnet. Il fut un maître de ce double langage. De Gaulle le surnommait l'intriguant. De Gaulle se rappelait les péripéties d'Alger, en 1943, et tous les  coups tordus du même Jean Monnet, qui ont suivi. Le plus grand coup tordu européen de Jean Monnet fut celui de ne pas  cesser d'affirmer qu'il  voulait unir des peuples, des citoyens, et non des Etats.
L'ambition est louable, le seul problème est qu'il n'a jamais fait ce qu'il prétendait faire. Il voulait vraiment détruire les Etats, mais non pour les remplacer, par une démocratie européenne (pour différentes raisons,mais surtout il se méfiait des peuples). Il voulait surtout instituer une technostructure de spécialistes, les experts.          Il suffit pour le comprendre d'étudier en détail la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), qu'il a conçu en 1950, et notamment la haute-autorité, qu'il a dirigée jusqu'en 1954.
La haute-autorité de la CECA n'est que l'ancêtre de l'actuelle Commission Européenne. Le problème  avec Jean Monnet est que l'histoire officielle que l'on fait de lui ne retient que l'image, que lui-même a fabriqué, du « Saint homme » qu'il n'a pas été.           Ce double langage de l'homme n'est bien sûr, jamais évoqué officiellement. Beaucoup d'Européens et de Français restent sur l'image du « Saint homme ». Cette image explique pourquoi la croyance européenne est encore forte, surtout dans des milieux éduqués, qui ont appris ce catéchisme européen. Ils n'arrivent pas à le remettre en cause. - Les Etats-unis d'Europe des années 1950 et 1960  sont restés une idée solidement ancrée dans l'opinion publique. Ce vieux rêve que Victor Hugo avait formalisé dans un célèbre discours à l'Assemblée nationale, le17 juillet 1851, fut repris par les USA, après la Deuxième Guerre mondiale. Les USA créèrent le comité américain pour une Europe unie. Il fut confié au général Donavan, qui n'avait été autre que le responsable de l'OSS, c'est à dire les services de renseignements militaires américains pendant la guerre. Le but de ce comité était clairement de lutter contre l'influence communiste en Europe occidentale.
      Sur le modèle américain, dans les années 1950, il y eut des initiatives européennes, financées par les USA. Parmi ces multiple création, d'inspiration fédérale, Jean Monnet créa la sienne, le comité d'action pour les Etats-unis d'Europe, qu'il anima en même temps qu'il mettait en place la CECA . L'ambition, de chaque côté de l'Atlantique était  claire : fusionner les pays d'Europe occidentale dans un Etat européen fédéral, sur le modèle de la fusion des trois zones d’occupation occidentales pour former l’ Allemagne de l’ouest (RFA).        La clarté de ce modèle politique, voulu d'abord par les USA, ne pouvait que susciter l'appréhension de De Gaulle, qui ne pouvait partager cet élan, d'abord à cause de la naïveté du projet. Il le dit admirablement bien dans le volume 3 de ses «  Mémoires de guerre ». Il raconte sa visite aux USA, à l'invitation du président Truman, en août 1945. Voilà  comment de Gaulle  relata ces entretiens quelques années plus tard. La pensée politique de Truman est ainsi décrite :
         « Quant aux problèmes compliqués de notre antique univers, ils n'intimidaient point Truman qui les considéraient sous l'angle d'une optique simplifiée. Pour qu'un peuple fût satisfait, il  suffisait qu'il pratiquât la démocratie à la manière du nouveau monde. Pour mettre fin aux antagonismes qui opposaient des nations voisines, par exemple Français et Allemands, il n'était que d'instituer  une fédération des rivaux, comme avaient su le faire entre eux les Etats (sudistes et nordistes) d'Amérique du Nord » .         Au-delà de l'ironie du général, on comprend que  pour lui, le modèle fédéral nord-américain, ne peut absolument pas une être une solution politique pour l'Europe.         La naïveté de Truman va d'abord le toucher. Ensuite quand les USA vont vouloir tordre le bras aux peuples européens qui refusent les projets européens fédéraux, voir par exemple l'histoire de la CED, (Communauté Européenne de Défense)  de 1950 à 1954, ils seront beaucoup moins naïfs et beaucoup plus impérialistes. D'ailleurs l'histoire de la CED, qui est un échec, finit par ce que voulait les USA, dès 1950 : le réarmement de la RFA (République Fédérale Allemande), et ensuite son intégration dans l'OTAN, ce qui provoquera en face, la naissance du Pacte de Varsovie pour les pays de l’Est sous domination soviétique).           Dans les années 1950, le projet politique fédéral européen est donc loin du rêve hugolien. Pourtant dans tous les manuels officiels, qui présentent l'histoire légendaire de la construction européenne, c'est ce qui est fait : Victor Hugo serait le précurseur de l'idée fédéraliste défendue dans les années 1950, par Monnet, Truman, Schumann... La supercherie de cette filiation est encore présente dans la tête de  quelques citoyens européens, comme si le modèle fédéral était une forme supérieure d'organisation  politique, comme si la France n’avait pas des siècles et des siècles d’Histoire, comme si en France nous n'avions aucune histoire politique, pas même républicaine.           Pour le coup, Victor Hugo finirait par se fâcher . - Les Européens n'ont pas à leur disposition un  imaginaire politique, comme ils l'ont dans le cadre de leur propre pays. Il s'agit là d'un défaut de fabrication majeur de la construction européenne. Les autorités européennes s'en aperçoivent, elles essayent de rattraper le retard, mais rien n'y fait. Cette communauté politique européenne, que les Européistes croient voir sans arrêt, n'existe pas et le mirage apparaît maintenant criant. Presque tout le monde constate que la communauté citoyennes européenne n'existe pas. Mais cette réalité a une  histoire.
    La CEE puis l'Union Européenne se sont construites sans les peuples, parfois contre les peuples.       La seule ambition des fondateurs européens fut de faire le marché le plus parfait possible.
Les peuples n'avaient donc aucune place dans cette construction. La CEE, fut dès 1957, l'unification d'un marché, d'ailleurs l'urgence pour ces premiers européistes fut de supprimer les taxes douanières entre les six pays fondateurs. Les entreprises qui faisaient du commerce entre pays membres, furent ravies.
Mais les citoyens étaient seulement priés d'admirer les  profits que firent alors les grandes entreprises européennes,
Depuis 1957, rien n'a changé ou si peu. D'ailleurs quand on fonde une communauté politique, que fait-on ? Décalons-nous un peu, observons les Républicains de 1879-1880, que font-ils, alors qu'ils viennent de prendre le pouvoir sur les monarchistes, dans ce début de III eme République ? Ils inscrivent les symboles républicains dans les premières lois votées par un Parlement républicain : l'hymne, la fête nationale...  Mais, les symboles européens, les constructeurs de la CEE s'en moquent, Dans les  années 60, ils sont occupés à construire un vaste marché.       Un pouvoir définit ses priorités, les Républicains des années 1880, ont d'abord définis des symboles qui définissent l'imaginaire politique d'une communauté, avant de faire de grandes lois :
- Loi sur la presse, - Loi sur les associations, - Lois scolaires (J.Ferry)…        Dans l'Union Européenne, c'est exactement le contraire. On a d’abord fait d’énormes tas de lois, appelées directives, avant de définir des symboles permettant l'émergence d'un imaginaire commun.
Certains, les plus lucides, se sont aperçus de cette erreur.
Mais s'agit-il d'une erreur ?       Quoi qu'il en soit, il fut question d'inscrire les symboles européens dans le TCE  (Traité Constitutionnel Européen) de 2005. Il était temps d'y penser, mais le plus drôle est la suite.
En 2005, les peuples Français et Néerlandais dirent non au TCE . Par un tripatouillage politique, le TCE devint le Traité de Lisbonne, toujours en vigueur. Le président Sarkozy fut élu en 2007 sur une promesse européenne, puisqu'en 2007, on était encore à la situation de 2005, c'est à dire le Non français bloquait la mise en place du Traité.
       Voilà la promesse du candidat Sarkozy :
« J'ai proposé à nos partenaires un traité limité aux questions institutionnelles, afin que l'Europe se dote rapidement des moyens de fonctionner efficacement à 27 Etats membres. La question de la réécriture d'un texte global, scellant la dimension fondamentalement politique  de l'Europe se posera dans un second temps ».         Que se passa-t-il réellement ? En terme de « traité limité » on a repris l'ensemble du TCE et on a en fait deux traités : le TUE et le TFUE, (Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne ou Traité de Rome). En terme de simplification, on a fait mieux. Mais je n'oublie pas les symboles. Pratiquement toutes les dispositions du TCE ont été reprises (les innombrables dispositions précises, relatives au marché), mais pas les pauvres malheureux symboles européens (le drapeau bleu et l’Hymne à la joie) qui figuraient dans le TCE,  et ont disparu dans le Traité de Lisbonne.
       Le plus drôle dans l'histoire était que lorsque nous écrivions, en 2007,  à un député UMP, pour protester contre la plagiat entre le TCE et le traité de Lisbonne, les éléments de langage de l'UMP étaient prêts. Ce n'était plus le même traité, puisque les symboles avaient disparu.        Les malheureux symboles européens n'ont jamais eu de chance, ils furent, entre 2005 et 2007,  sacrifiés.  Depuis on attend toujours de les voir inscrit dans un traité européen, ce n'est toujours pas fait, on  peut toujours attendre, la CEE, puis l'UE n'ont pas été faites pour faire une communauté de citoyens, l'imaginaire européen peut toujours attendre, comme la promesse du candidat Sarkozy : « La question de la réécriture d'un texte global, scellant la dimension fondamentalement politique  de l'Europe se posera dans un second temps . »         Depuis  2007 ce « second temps » aurait pu advenir. Eh bien non. 15 ans plus tard, il faut encore attendre pour voir le « texte global » promis   - L'imaginaire politique forge la communauté politique, les symboles en sont un des aspects fondamentaux, mais l'histoire en est un autre aspect, or la CEE puis l'UE n'ont pas d'histoire, donc aucun  récit commun, entre peuples, qui ont chacun un récit national, un roman national, solidement ancré.         En France, par exemple, le roman national, à la  même époque que dans les autres pays d'Europe, au XIX eme siècle, a été fixé avant même le début républicain de la III eme République, vers 1879-1880.
        En effet, l’historien Jules Michelet travaillait à faire une histoire de France républicaine, depuis la  Révolution de 1830. Dans son introduction à sa volumineuse histoire de France, publiée en 1869,il écrit :
       « Cette oeuvre laborieuse d'environ quarante ans fut conçue d'un moment, de l'éclair de juillet.  Dans ces jours mémorables, une grande lumière se  fit, et j'aperçus la France. Elle avait  des annales politiques, et non point une histoire...Le premier je la vis comme une âme et une personne ».         Par ce travail de quarante années, Michelet fixait le roman national, repris ensuite par les manuels scolaires de Lavisse ou de Malet Isaac. Ils ont,  par leurs millions de manuels scolaires, fixé un récit national sacralisé, il est devenu le roman national. En Europe, rien de tout cela, pas de Jules Michelet européen, non seulement personne n'a eu la  révélation de Michelet, pas de révolution de  1830 européenne, mais  les « pères fondateurs » n'ont pas l'idée de donner à la construction qu'ils faisaient, une histoire. Simplement l'histoire  n'avait pour eux aucun intérêt, puisque ce qu’ils voulaient c’était :
Construire des structures technocratiques !
 Exemples - haute-autorité de la CECA ou Commission de la CEE , à quoi bon une histoire pour faire cela ? Ce n'est que très tard, au début du XXI eme siècle, que certains, voyant déjà les fragilités de l'UE, ont eu l'idée de donner enfin une histoire à l'Europe.       C'est à l'occasion de l'agrandissement du quartier européen de Bruxelles, que fut décidé de créer 5000m2, dédiés  au « musée de l'Europe ». Ce musée, aujourd'hui ouvert, est un peu la session de rattrapage de l'histoire ratée européenne.  Le problème est que personne ne connaît ce roman européen, chaque peuple européen garde son propre roman national. L'histoire européenne n'existe toujours pas. Pas plus que le peuple européen. Cela se trouve dans les discours politiques, qui n'ont aucun échos, mais pas dans la réalité citoyenne.
       L'UE n'est toujours pas un espace politique, qui susciterait une adhésion. J.Michelet incarnait la France, son Histoire était le produit de cette incarnation :
             « Le premier je la vis comme une âme et une personne ». Qui sera le J.Michelet européen ? Pour l'instant, on ne voit pas. Et le problème de l'UE est entièrement  inscrit dans cette question simple: qui et  comment pourrait incarner l'Europe dans quelque chose de vivant et d'enthousiasmant ? 3. L'UE, à cause des deux faits étudiés précédemment,
                                                              est une construction a-démocratique.         Parce que les « pères de l'Europe », d'abord par la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’ Acier) en 1951, puis par la CEE , Communauté Economique Européenne, ancêtre de l’Union Européenne en 1957, ont voulu faire un marché, qui fonctionnerait, aux yeux de Jean Monnet, le vrai inspirateur de la CECA, comme un marché « chimiquement pur ».
      Il faut alors créer des institutions qui vident de leur substance les gouvernements élus. Ainsi Jean Monnet écrira, en 1950, une lettre à Adénauer, nouveau et premier chancelier de la RFA (République Fédérale Allemande, ou « Allemagne de l’ouest »). Dans cette lettre, il précise sa pensée sur la gouvernance de la CECA :
     «  il faut créer une autorité supranationale dont les divers gouvernements seront, dans leur domaine d'attribution, les agents d'exécution. »       Par la suite naîtra la « haute autorité » de la CECA, dont le premier président sera... Jean Monnet. Il avait donc un profond mépris pour les gouvernements élus, dans les divers pays. Pour lui, ces élus n'avaient d'importance que dans la mesure où ils l'aidaient à mettre en place ce marché « chimiquement pur ». Bref J .Monnet ne s'intéressait pas à ce que nous nommons démocratie, c'est-à-dire la désignation, sur des bases libres et égalitaires, d'un gouvernement représentatif d'un peuple.
       Dans son optique, tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à de la souveraineté populaire, est du nationalisme qu'il faut dépasser. Il invente donc ces dispositifs pour vider les différentes démocraties européennes de leur substance. Les gouvernements continueraient à exister, mais ils seraient soumis à un pouvoir supranational, d'une commission d'experts non élus.
       Hallstein, premier président de la commission européenne, sur la voie tracée par Jean Monnet, voulut étendre le poids de la commission et tendre vers un fédéralisme a-démocratique. Il se heurta alors à une autre vision de la CEE, celle du général de Gaulle, qui ordonna  ce que l'on qualifie de « politique de la chaise vide ». Sans rentrer dans les détails de cette affaire, qui se  termina par le compromis de Luxembourg, en 1966, cette période fut la dernière époque de lutte politique entre deux visions de l'Europe, ensuite tous les gouvernements ont cédé à une évolution plus ou moins fédérale. Il est intéressant de voir que Macron voulait perpétuer cette dérive (ministre de l'économie de l’euro, parlement de l’euro, budget de la zone euro). Le gouvernement allemand et d'autres gouvernements européens ont clairement refusé.
       C'est la première fois, depuis 1965-1966, que l'évolution fédérale de l'UE est stoppé net, et pas par n'importe quel Etat européen. Nous reviendrons dans une quatrième partie sur cet aspect des choses :
le poids de l'Allemagne. De Gaulle fut le seul chef d'Etat européen à proposer une vision démocratique de la construction européenne, face à l'a-démocratie conçue par Jean Monnet et ses successeurs, qui eurent plus de scrupules démocratiques que Jean Monnet lui même.
        C'est pour cette raison qu'ils mirent au point un alibi démocratique à des institution a-démocratique.
Ils décidèrent ainsi, en 1979, que le Parlement Européen (PE) serait élu au suffrage universel. Ainsi on ne pourrait plus dire que ces institutions sont a-démocratique. Le problème est qu'alors le PE n'a aucun pouvoir. Depuis, de traité en traité, les attributions du PE se sont étendues, Mais le Parlement reste l'institution européenne qui a le moins de pouvoir.
        Un exemple : l'union douanière ou les règles de la concurrence sont du seul domaine de décision du conseil des ministres , et non une prise de décision dans le cadre de la co-décision, dans laquelle le PE a sa place (voir l'art .294 du TFUE, sur google). Il s'agit de l'un des articles les plus longs et les plus complexes du traité de Lisbonne.
        C'est l'un des résumés les plus saisissants de l'a-démocratisme européen.
Vaclav Havel décrit bien ce phénomène de complexification des procédures européennes, pour les rendre intentionnellement  incompréhensibles, aux citoyens. Alors qu'il était président de la République tchécoslovaque dès 1989, il participera à de nombreux Conseils Européens. Pourtant, une fois sa vie politique terminée, il écrira ses mémoires («  A vrai dire »).  On peut y lire ces quelques mots :
       «  la lecture des documents de la commission européenne puis del'UE m'a convaincu qu'il s'agit d'une montagne complexe et incompréhensible de documents écrits dans une métalangue administrative comprise seulement par les professionnels, et non par les citoyens. »
        Je ne  peux terminer sur cet aspect a-démocratique de la construction européenne sans citer cet admirable discours de Pierre Mendes-France à l'assemblée nationale, le 18 janvier 1957. Ce jour-là, ce député radical se prononce contre le Traité de Rome. Dans ce débat de ratification du Traité de Rome, à l'assemblée nationale, il votera contre la ratification. Mais au-delà du vote, ce discours est admirable car il est d'une lucidité confondante, en ceci que dans la longue  argumentation qu'il développe, pour justifier et argumenter son vote, tout ce qu'il prédit s'est déroulé. En fin de discours il résume ainsi sa pensée :
        « L'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure , laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d'une saine économie on en  vient aisément à dicter une politique monétaire,  budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale.
        Si la France est prête à opérer son redressement  dans le cadre d'une coopération fraternelle avec les autres pays européens, elle n'admettra pas que les voies et moyens de son redressement lui soient imposés de l'extérieur, même sous le couvert de mécanismes automatiques » .
        Ce texte a été écrit en 1957, non en 2019. On savait donc tout dès 1957. Pourtant, nous n'avons pas pris le temps de lire Pierre Mendes-France, il est encore temps de le faire.   4. La construction européenne est le croisement de deux idéologies parfois complémentaires et parfois contradictoires :
     - le libéralisme qui s'est mué en NEO-LIBERALISME  dans les années 1980,
     - et L’ORDO-LIBERALISME. La construction européenne est aussi le résultat d'une évolution géopolitique entre les principales puissances qui l'ont faite.       Après guerre, l'Allemagne était détruite. Pour autant, les USA, pour éviter les erreurs de l'après première guerre mondiale, ont voulu, en 1945, rapidement procéder à la reconstruction de l'Allemagne occidentale. Les USA attendaient beaucoup des initiatives françaises, pour à la fois reconstruire l'Allemagne et faire l'Europe.       Pour ce programme, ils pouvaient compter sur Jean Monnet, qui servit les plans américains. Au-delà des initiatives purement américaines, comme la répartition de l’argent américain du Plan Marshall, et l’ OTAN, Jean Monnet et Robert et Schumann prirent ensuite le relais, pour le plus grand plaisir des USA. Les premières initiatives furent donc françaises. Comme elles se faisaient d'un commun accord avec les USA, elles ne pouvaient être que d'inspiration libérale.
      Dès les premiers traités (Rome-1957) la construction européenne se fait sur la base d'un libéralisme classique de la recherche de « l'efficience des marchés » et de la recherche d'une intervention  minimale des Etats (droit sur la concurrence co-construit par la Commission et la Cour de Justice). Même si dans les années 1970 des formes d'intervention ont été mises en place, comme les fonds régionaux à l'interne ou les conventions de Lomé à l'externe, le cadre général de fonctionnement de la CEE (Comunauté Economique Européenne, ancêtre de l’Union Européenne)) est libéral.
      Dans les années 1980 triomphe le néolibéralisme au USA avec Reagan et au Royaume-uni avec Thatcher. Celle-ci impose le néolibéralisme dans son pays, mais aussi à ses partenaires européens.  Le néolibéralisme désigne le renouvellement des thèses économiques libérales classiques qui ont inspiré les politiques économiques des pays occidentaux, notamment par l'école de Chicago.        Il ne  faudra pas beaucoup les forcer pour que la CEE adopte un nouveau traité européen, alors que depuis 1957, elle n'avait pas eu la nécessité de faire un autre traité que le traité de Rome . Le traité de l'Acte unique, en 1985, est un traité purement néolibéral, inutile à la construction européenne,  sinon à lui donner cette inflexion néolibérale.
      L'histoire officielle donne le rôle majeur de cette inflexion à Jacques Delors, alors président de la Commission Européenne, ce qu'il était effectivement. Ce que l'histoire officielle ne dit pas, c'est que la  proposition Delors n 'était qu'une reprise d'une proposition du patronat européen, qui voulait toujours plus de dérégulation, notamment financière. Thatcher ne pouvait pas rêver meilleur scénario, Delors avait fait ce  qu'elle souhaitait pour la construction européenne. Dans ses mémoires, Jacques Delors dira la chose suivante : «  je disais à mes collaborateurs : l'ouverture des marchés, et la dérégulation se feront avec ou sans nous. Il s'agit de savoir si le pilote du bateau peut résister au vent et trouver une trajectoire qui soit un bon compromis ».        Le néolibéralisme était donc acté par le président de la Commission, quant au « pilote », aucun commentaire. La construction européenne est donc avant tout libérale, d'inspiration atlantiste, l'Allemagne comptait alors peu, elle se contentait de suivre le mouvement.
      Depuis sa défaite militaire de 1945, elle cherchait par tous les moyens de sortir de son isolement. Toute proposition qui irait dans ce sens était bonne à prendre. Monnet l'a compris et il proposa à Adenauer (Chancelier de  l’Allemagne de l’ouest, RFA) que la France et l'Allemagne fassent la CECA (Communauté Européenne du Charon et de l‘Acier, fondée en 1951). Adenauer dira alors :
                    « Quand Jean Monnet m'a proposé son projet, j'ai remercié Dieu ».
      Dans les années 1950, l'Allemagne n'imposait pas à ses partenaires européens l'ordo-libéralisme germanique pour la bonne et simple raison qu'elle n'était pas dans un rapport de force qui le lui permettait.       L'ordo-libéralisme est une forme de libéralisme, d'origine allemande. Apparu dans les années 30, école de Fribourg, ce libéralisme subordonne l'action des gouvernements à l'observance d'un ordre économique et monétaire stricte. Comme ces règles économiques s'appliquent automatiquement à l'ordre politique, on peut parler « d 'ordo-politique ».
     Tout a changé en 1989. Cette année là le mur de Berlin est tombé, suivi très vite, l'année suivante, de ce qui est appelé réunification allemande, mais qui est en fait, une absorption de la RDA (République Démocratique Allemande, RDA, ou Allemagne de l’est) aux conditions ouest-allemandes, notamment monétaires. Puis, en 2004, l'UE connut le plus grand élargissement de son histoire, essentiellement vers l'Europe centrale et orientale. L' Allemagne n'était plus un Etat périphérique de la CEE, mais l'Etat central de la nouvelle Union Européenne .
      C'est le moment de l'histoire de l'UE où l'Allemagne imposa son point de vue, sans que la France ne s'y oppose.
      L'exemple le plus manifeste de cette évolution est sans doute, la rédaction du traité de Maastricht, en  1992. La légende veut qu'il soit un traité voulu par F.Mitterrand et H.Kohl , le célèbre couple franco- allemand. Quand on regarde de plus près, on voit que le cœur du traité, l'union économique et monétaire, c'est à dire la mise en la place de l'euro, s'est faite aux conditions qu'a voulu le gouvernement allemand.
      La rédaction de cette partie centrale fut confiée au cénacle des gouverneurs des banques centrales dont le gouverneur de la banque centrale allemande : Karl Otto Pöhl. Ils feront ce travail, de 1988 à 1992, pendant la réunification allemande. Pour remercier le président de la commission européenne, le Français Jacques Delors, voici ce que dit Karl Otto Pöhl :
     « Delors a été plus souple que je ne l'avais pensé, et mes craintes ne se sont pas pleinement matérialisées. La substance du rapport vient des gouverneurs non de Delors. Sa contribution a été modeste et pourtant c'est nous qui avons fait sa réputation ».
      On a connu remerciements plus chaleureux ! Le plus important pour le gouvernement allemand était acté dans le traité : l'euro, la BCE étaient construites selon leurs volontés et le système ordo-libéral allemand. L'euro était la continuité stricte et orthodoxe du système monétaire allemand, et la France avait laissé faire.
Dès lors c'est sur cette impuissance française que se sont appuyés tous les gouvernements allemands pour affirmer leur puissance et leur pensée ordo-libérale. Le dernier traité européen qu'A.Merkel a voulu pour l'UE, le TSCG (« Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance », signé par N.Sarkozy et ratifié sous la présidence de F.Hollande en 2012 (malgré sa promesse électorale, non tenue, de renégocier le traité), est un texte qui définit la vision ordo-libérale du budget des pays la zone euro.
     Plusieurs problèmes se posent avec la signature de ce traité. D'abord c'est la première fois qu'un traité de l'UE ne concernait pas tous les pays membres. Il n'y a que 19 pays dans la zone euro, Les autres pays de l'UE qui ne font pas partie de la zone euro, n'avaient pas besoin de le signer et ne l'ont pas signé, comme le Royaume-Uni. Cela montrait aussi que l'Allemagne qui voulait ce traité ne  s'intéresse qu'au contrôle de la zone euro et le reste ne l'intéresse pas. La preuve c'est que le TSCG est un traité court (contrairement aux autres traités européens), qui ne contient que des dispositions de restrictions budgétaires des Etats membres de la zone euro et rien d'autre. D'habitude le gouvernement allemand acceptait « l'enrobage » des traités. Maastricht par exemple ce n'était pas que l'euro, il y avait la citoyenneté européenne, la Politique étrangère et Sécurité….
       L'objet unique du TSCG est de garantir, dans leur logique ordo-libérale, la valeur que le gouvernement veut donner à l'euro. Pour eux l'euro est un super mark et rien ne doit altérer sa valeur. Ce traité montre que le gouvernement allemand ne fait plus semblant, il veut vraiment imposer ses dogmes ordo-libéraux à l'ensemble des pays de la zone euro, dont la France.
      Actuellement une chose ne convient pas, mais pas du tout au gouvernement allemand. Il s'agit de la politique actuelle de la BCE (Banque Centrale Européenne). Mario Draghi, nommé à la tête de la BCE, depuis 2011, pratique une politique de baisse des taux d'intérêt bas, d'augmentation du rachat des dettes publiques et de prêts mensuels massifs aux banques. Une politique qui ne convenait pas au gouverneur de la banque centrale allemande. Plusieurs fois, au sein de la BCE, il a voté contre les propositions de Mario Draghi, mais comme il fut chaque fois minoritaire, les propositions du président de la BCE ( Banque centrale européenne ) sont passées, indépendance de la BCE oblige. Le comble de l'histoire étant qu'en 1992 (Maastricht) E.Kohl a insisté pour que les statuts de la BCE préservent son indépendance totale, sur le modèle de la banque centrale allemande. Aujourd'hui, M.Draghi, ancien de Goldman Sachs, incarne le ligne néolibérale inspirée par la doctrine américaine, tandis que le gouvernement allemand incarne la doctrine ordo-libérale.
       Mario Draghi se retire en même temps que Jean-Claude Junker. Le gouvernement allemand présente un candidat à la tête de la BCE. C'est la première fois qu'il le fait. L'usage faisait que comme la BCE siège en Allemagne (à Francfort), son président n'était pas allemand. Il pouvait être Français ou Italien, mais pas allemand.
       Ces politesses sont terminées, l'Allemagne veut prendre le contrôle de la BCE. Gageons que quand il faudra nommer les présidents de la Commission Européenne et de la BCE, le gouvernement allemand insistera pour avoir celui de la BCE .
      On verra alors vraiment le poids de la France.    Marc Brunet le 9 mai 2019 au Thor.
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